Un duo romand représente la Suisse aux Championnats du monde de trampoline

Il est midi lorsque j’arrive dans la salle d’entraînement du CRP d’Aigle. Quelques jeunes gymnastes s’entraînent sur les différents engins de gymnastique artistique. Au milieu de la salle, Gonçalo et Simon s’exercent sur les trampolines. Tous deux s’entraînent en vue des Championnats du monde qui auront lieu à Birmingham au mois de novembre prochain. Les figures qu’ils réalisent sont plutôt impressionnantes, tout comme la hauteur à laquelle ils s’élèvent. « A 8 mètres de hauteur, les sensations sont différentes », explique Gonçalo. Actuellement, les deux romands passent plusieurs dizaines d’heures par semaine dans la salle, à Aigle, avec leur entraîneur. « La salle d’Aigle, c’est comme ma deuxième maison », poursuit le trampoliniste.

Avant d’être sélectionnés pour les Championnats du monde, Simon et Gonçalo ont eu des parcours très différents. A 19 ans, Gonçalo en est encore au tout début de sa carrière. C’est au Portugal qu’il découvre le trampoline, à l’âge de 10 ans. Ou plutôt, qu’il est découvert : « je m’entraînais sur un mini trampoline durant un cours de gymnastique et un entraîneur m’a repéré », sourit Gonçalo. « Il m’a fait passer des essais et c’est comme ça que j’ai découvert le trampoline ». Depuis ce moment-là, cette discipline a pris une place importante dans sa vie. Il arrête la natation et la danse classique qu’il pratiquait en parallèle de la gymnastique et intègre un nouveau club, le « Sporting » à Lisbonne, sa ville d’origine, à côté de ses études. Puis, à 12 ans, tout bascule. Il quitte son pays avec ses parents et s’installe en Suisse, dans le canton de Fribourg. « Lorsque je suis arrivé ici, j’ai hésité à reprendre ce sport. Le fait de devoir recommencer une nouvelle vie, m’adapter à mon nouveau pays, apprendre une nouvelle langue me paraissaient déjà suffisant », explique le gymnaste de 19 ans. « A mon arrivée, j’ai été en contact avec Sergio Lucas* et c’est lui qui m’a motivé à reprendre le trampoline. » Un choix qu’il ne regrette absolument pas aujourd’hui, au vu des résultats obtenus.

*( ndlr : ancien entraîneur en chef et chef de la relève en trampoline à la FSG )

De son côté, Simon n’a pas un parcours commun dans le trampoline. C’est en effet au cirque qu’il débute sa carrière d’acrobate. A 16 ans, après un stage de deux semaines dans une école de cirque à Sion, il en est sûr, il veut se consacrer à cet art. « J’ai eu le déclic dès que je suis entré dans la salle d’entraînement », explique Simon, « après le stage, j’ai commencé la formation de 3 ans que proposait cette école de cirque ». C’est durant ces années de formation dans les arts du cirque qu’il découvre le trampoline. En voyant son potentiel à cet engin, son entraîneur le pousse à se lancer dans la discipline et à faire des essais au CRP. Ceux-ci étant concluants, il commence à s’entraîner à Aigle avec les autres trampolinistes. « Au début, je venais une fois par semaine, puis, au fil des mois, de plus en plus souvent, jusqu’à pratiquer presque tous les jours de la semaine. Je m’entraînais le matin au cirque à Sion, l’après-midi au trampoline à Aigle et le soir à nouveau au cirque. Finalement, bien que j’aie commencé le trampoline sur le tard, j’ai rattrapé le niveau de mes coéquipiers et j’ai pu entrer dans le cadre national à 21 ans », explique Simon. Pour lui, le trampoline est une autre forme d’acrobatie et ses résultats montrent qu’il ne s’est pas trompé de voie. Il décroche notamment une médaille de bronze aux Championnats d’Europe à Guimarães (Portugal) en 2014 dans la catégorie synchrone.

Finalement, malgré des parcours différents, ce qui plait le plus à nos deux athlètes romands dans le trampoline, c’est son côté aérien. « Les figures en l’air, c’est quelque-chose d’hallucinant. De mon côté, j’ai peur de sauter d’un plongeoir de 10 mètres, mais je n’ai aucune appréhension lorsque je fais des acrobaties à 8 mètres du sol », explique Gonçalo en riant. « Lorsqu’on est en l’air, on a l’impression de voler, on a une sensation de liberté. Le trampoline est un sport aérien magnifique et très beau à voir. J’aime beaucoup pouvoir m’exprimer en l’air et laisser libre court à ma créativité, tout en respectant les règles strictes de cette discipline », ajoute Simon.

Lors de ce rendez-vous mondial, Gonçalo représentera pour la première fois la Suisse dans le cadre d’une compétition internationale. Le jeune athlète vient en effet de recevoir la nationalité suisse. « Avant cela, je devais me rendre dans mon pays d’origine pour participer à des concours de qualification et je représentais ensuite le Portugal lors des compétitions », explique-il. A présent, officiellement Suisse, il pourra porter les couleurs de notre pays lors de rendez-vous internationaux. « C’est un énorme plaisir de représenter la Suisse. C’est également un moyen pour moi de pouvoir montrer ce que je vaux et de rendre à ce pays tout ce qu’il m’a offert jusqu’à présent », se réjouit Gonçalo qui poursuit : « le trampoline m’a beaucoup apporté au fil des années. C’est grâce à ce sport que j’ai appris le français et que je me suis intégré dans mon nouveau pays ». Un sport qui lui amène un certain équilibre dans sa vie quotidienne et lui permet de se dépasser. « Mon objectif ultime serait de représenter un jour la Suisse aux Jeux olympiques », explique le Fribourgeois.

A 33 ans, Simon a une carrière, certes ponctuée de hauts et de bas, mais déjà bien remplie à son actif. En 2022 notamment, il traverse une période compliquée et n’atteint pas ses objectifs aux grands rendez-vous de l’année. « C’était mentalement très difficile », confie-il. Il décide donc de mettre un terme à sa carrière. C’est Diogo Ganchinho, son entraîneur actuel, qui lui propose de revenir lorsqu’il entre en fonction au CRP à Aigle. « Il m’a convaincu de ne pas arrêter sur une défaite. » Un conseil avisé, puisqu’en 2023, Simon fait de bons résultats aux Championnats suisses et est sélectionné pour les Championnats du monde. Il a également pour objectif de participer aux Championnats d’Europe 2024 avec son coéquipier Gonçalo.
« A ce moment-là, j’aurai bouclé la boucle, comme on dit. J’ai fait un gros résultat aux Championnats d’Europe de 2014 et j’aimerais décrocher une médaille avec Gonçalo à ceux de 2024. »

Après ces compétitions, il envisage sa retraite du trampoline. Mais pas du sport. En effet, le Vaudois pratique énormément de course à pied et est en train de préparer un documentaire de 45 minutes intitulé « Boundless » sur un ultra-marathon. A côté de ses entraînements, il s’est également lancé dans le coaching : « je coache principalement des skieurs et depuis peu des athlètes de freeride également », explique le trentenaire. Un monde qu’il a découvert grâce à son ami Pat Burgener, snowboarder professionnel. Mais pour le moment, son attention est plutôt focalisée sur le prochain grand rendez-vous de l’année, les Championnats du monde qui se dérouleront au mois de novembre. « Je ne me suis jamais senti aussi épanoui dans ma carrière que maintenant », sourit Simon.

« Ces Championnats seront l’occasion pour moi de progresser dans ma carrière de trampoliniste et d’acquérir de l’expérience au niveau international. J’adore ces compétitions. Elles permettent de grandir en tant qu’athlète mais aussi en tant qu’individu », se réjouit Gonçalo. Même son de cloche du côté de Simon qui aborde ce rendez-vous dans un bon état d’esprit : « je me réjouis de découvrir la salle et de revoir mes amis trampolinistes. Au fil des années, nous sommes tous devenus proches et c’est toujours un plaisir de se croiser sur les compétitions ». Quant aux objectifs, tous deux s’accordent à dire que le principal sera de se faire plaisir, de présenter les meilleures routines possibles et d’avoir les mêmes sensations que lors des entraînements. « On essaie de ne pas se mettre la pression, ce sera une belle expérience », conclut Gonçalo.