Un rêve devenu réalité

C’est dans la maison de la famille Demierre, dans le canton de Vaud, que je rencontre Norah en cette journée pluvieuse d’octobre. A mon arrivée, je suis accueillie par les deux Golden Retrievers de la famille. Nous sommes en pleine période de vacances scolaires et Norah en profite pour se reposer et passer du temps avec ses proches. Chez les Demierre, le sport et les arts prennent une grande place. « Mon papa fait du Ju-jitsu, mon frère et ma sœur font du chant et de la comédie musicale et notre maman, en plus de chanter, est un peu notre manager. Sans elle, rien ne serait possible », explique Norah en souriant. A 16 ans, elle vient de participer à ses premiers Championnats du monde en gymnastique rythmique, une discipline qu’elle pratique depuis près de 8 ans.

« Une nuit, alors que j’avais 8 ans, ma maman a eu en quelque sorte un rêve prémonitoire. Elle m’a vue pratiquer la gymnastique rythmique. Comme je n’avais jamais entendu parler de cette discipline, nous avons regardé des vidéos ensemble. J’avais des étoiles plein les yeux en voyant les gymnastes évoluer et j’ai tout de suite su que je voulais faire cela ». Elle s’inscrit donc à la société de gymnastique de Lucens puis est rapidement admise au Centre cantonal, puis au Centre régional de performance vaudois de gymnastique rythmique. « Je suis passionnée par cette discipline. Elle me permet d’exprimer mes émotions et ma créativité à travers le mouvement et les chorégraphies », explique la gymnaste.

Actuellement en sport-études, Norah s’entraîne près de 30 heures par semaine, 6 jours sur 7. « Je vais à l’école le matin et je m’entraîne l’après-midi. J’ai un seul jour entier d’école par semaine et, ce jour-là, je vais à la salle en fin d’après-midi. Je m’entraîne également le samedi », précise la Vaudoise. Les entraînements au CRP Vaud se déroulent dans différents lieux, entre Puidoux, Etoy et le Mont-sur-Lausanne. « Avec le sport-études, j’ai dû apprendre à être organisée et autonome. Je suis le même programme qu’au gymnase, mais je passe beaucoup moins de temps à l’école. Je dois donc rattraper cela à la maison. Par exemple, à mon retour des Championnats d’Europe, j’ai dû rattraper 18 tests en une semaine ». La gymnastique rythmique est une discipline exigeante et qui demande beaucoup de persévérance. Les chorégraphies sont répétées des milliers de fois durant l’année afin de les parfaire pour les rencontres importantes. « Cela ne m’ennuie pas du tout car je vois les progrès d’une semaine à l’autre », explique la Vaudoise. « Le mental est important. Si on fait une erreur durant notre exercice, il faut tout de même tenir jusqu’au bout des 1 minute 30 ».

Depuis 2023, elle évolue chez les seniors et a participé au mois d’août à ses premiers Championnats du monde en Espagne, où elle a réalisé une excellente performance en terminant à la 43^e place (4^e de son année d’âge). Elle est la deuxième Suissesse depuis 1991 à s’aligner comme gymnaste individuelle à des Championnats du monde. « J’étais très fière de représenter la Suisse à Valence », sourit Norah. « Tout s’est bien passé, même si j’aurais voulu faire mieux. J’ai cependant beaucoup appris en regardant mes idoles. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le public espagnol dans les tribunes. Il y avait plus de 7000 personnes et elles étaient très bruyantes et investies. Heureusement, je m’étais préparée à cela », explique-elle en rigolant.

Elle a également déjà pu prendre ses marques sur la scène internationale, notamment en participant à plusieurs tournois internationaux ainsi qu’à deux championnats d’Europe juniors et un senior. Cependant, participer à plus de rencontres internationales est un objectif important à ses yeux. « Je participe à peu de compétitions internationales par rapport aux autres gymnastes. C’est important d’être présente sur la scène internationale, afin de se faire connaître et pour que les juges se familiarisent avec notre personnalité », explique la gymnaste.

Malgré les nombreuses heures d’entraînement, Norah n’a jamais subi de blessures dans son sport. « J’ai la chance d’être encadrée par de nombreux spécialistes, tels que des ostéopathes, physiothérapeutes, médecins du sport, coach mental, etc. Mon entraîneure, Alicia*, fait très attention à cela », explique Norah. Elle est d’ailleurs suivie par l’équipe de MotionLab, un centre médico-sportif au Mont-sur-Lausanne, pour tout ce qui concerne les aspects médicaux et nutritionnels. « C’est une structure spécialisée dans le sport d’élite. Cela me permet de cibler les éventuels problèmes. Chaque année, nous travaillons sur un thème spécifique. La première année, nous avons travaillé sur l’alimentation, la deuxième sur la stabilité des chevilles et la troisième sur l’équilibre et le décalage horaire durant les compétitions », précise Norah. Les techniques proposées par ce centre lui permettent également d’enchaîner les compétitions. « Le bien-être reste un élément central, tout en visant la performance. L’idéal serait d’avoir une équipe médicale qui me suit durant les grosses compétitions », explique la gymnaste.

*Ndlr : Alicia Marmonier est l’entraîneure en chef du CRP Vaud.

La Vaudoise a un grand objectif en vue : être sélectionnée pour les Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles. Jusqu’à cette date clé, elle ambitionne de participer à de nombreux championnats d’Europe, du monde et d’autres tournois internationaux et d’être sélectionnée pour les finales. « En 2024 déjà, j’aimerais participer à plus de tournois internationaux afin de me faire un nom », explique-elle. Cependant, tout cela a un prix « le budget annuel est d’environ 55'000 francs ». Entre les frais de compétition, d’entraînement, de déplacement, les frais médicaux et la préparation mentale, chaque compétition est un investissement pour la famille Demierre.

Afin de financer les compétitions auxquelles elle a prévu de participer l’année prochaine, Norah et sa maman ne ménagent pas leurs efforts pour trouver des sponsors. « J’ai plus d’une dizaine de milliers de followers sur Instagram », explique la gymnaste « mon côté positif et mes valeurs intéressent certaines marques. J’ai également la chance d’être soutenue par l’Aide sportive suisse et ma marraine n’est autre que Lea Sprunger », sourit Norah. Elle collabore actuellement avec des entreprises locales et des startups et y associe son image et ses valeurs. « Il s’agit d’entreprises de cosmétiques et de vêtements par exemple », précise la gymnaste. Elle entend d’ailleurs continuer à développer cela à l’avenir, afin d’atteindre ses objectifs. Car, comme elle le dit si bien, « rien n’est impossible à qui le veut vraiment ».